Le miracle chinois
Cependant il y a pire, les «mingong», ouvriers-paysans; ils affluent dans les villes à la recherche d'un moyen de subsistance et sont déterminés à trouver l'Eldorado dans les grandes villes. Le parti a oublié d'abolir les lois les obligeant à rester dans leurs misérables campagnes. Ils sont donc sans-papiers dans leur propre pays. Ça a commencé au début des années 90, quand la Chine a commencé à privatiser les entreprises d'Etats. Des millions de licenciés déchus de tous les avantages acquis du salariat. On les appelle les «xiagang». Le terme signifie aujourd'hui «chômeur». Ils sont voués à occuper les petits boulots dangereux et mal payés.
Cependant il y a pire, les «mingong», ouvriers-paysans; ils affluent dans les villes à la recherche d'un moyen de subsistance et sont déterminés à trouver l'Eldorado dans les grandes villes. Le parti a oublié d'abolir les lois les obligeant à rester dans leurs misérables campagnes. Ils sont donc sans-papiers dans leur propre pays.
Ils sont sans-papiers dans leur propre pays
Pour la plupart, ils ne sont pas déclarés par leurs employeurs; alors on ne sait pas trop combien ils sont.
Un chercheur de l’Ecole des cadres du Parti a mené une enquête dans le Sichuan et le Zhejiang sur la situation des «mingong» et estime qu'ils sont entre cent et deux cents millions. Beaucoup n'ont jamais vu la couleur d'une fiche de paie et sont rackettés lorsqu'il cherchent à se loger ou à placer leurs enfants à l'école.
Ils occupent principalement les postes du secteur secondaire. Ils représenteraient près de soixante-dix pour cent des travailleurs dans le secteur manufacturier et quatre-vingt pour cent dans le BTP.
Les plus jeunes se retrouvent employés dans les services. Représentant plus de la moitié des emplois du secteur, ce chiffre atteint près de quatre-vingt-dix pour cent dans la restauration.
Le revenu moyen des ouvriers-paysans est moitié moins important que celui d'un ouvrier urbain occupant un poste équivalent (environ soixante cinq euros par mois). Ils travaillent 13 à 14 heures par jour au lieu de huit et n'ont qu'un seul jour de repos par mois, logeant le plus souvent sur leur lieu de travail, faisant de leur employeur un véritable maître.
Une infime minorité des ouvriers migrants bénéficie de la protection sociale car très peu d’entre eux cotisent à un régime de protection.
Les raisons ? Peu d’entreprises souhaitent cotiser et la mobilité des ouvriers-paysans reste importante.
Il faut ajouter à cela le fait que le chômage est très élevé, que l'écart de revenus entre les citadins et les ruraux est très important et s'accroît de plus en plus.
L'école, bien qu'obligatoire, est payante (elle coûte chère et encore plus à la campagne) et beaucoup de familles ne peuvent financer les études de leurs enfants.
Le miracle chinois ne repose donc pas sur des bas salaires mais sur des salaires rendus artificiellement bas par cette exploitation massive. Ces laissés-pour-compte représentent en réalité la base de l'économie chinoise.
Si la main d'oeuvre n'était pas aussi abondante et les salaires si bas, la Chine serait beaucoup moins compétitive. «Autrement dit, la Chine réalise le rêve néo-libéral tel qu'il ne peut être appliqué dans les pays développés, la possibilité de faire baisser tous les prix !», explique Philippe Cohen, co-auteur avec Luc Richard du livre La Chine sera-t-elle notre cauchemar ? Les dégâts du libéral-communisme en Chine et dans le monde (Mille et une nuits, 15 euros).
La grande illusion
Les néo-libéraux, en s'appuyant sur les modèles coréen et japonais, affirment que la croissance va améliorer la situation de la population chinoise.
Après une phase de décollage économique, il a fallu une seule génération pour que les salaires des ouvriers de ces deux pays rejoignent à peu près ceux des pays occidentaux.
Pourtant, il y a deux différences majeures entre ces modèles et la Chine : la taille du pays et le fait que la Chine soit une dictature. La Chine n'est pas une économie de marché et le Parti mène le pays d'une main de fer. C'est pourquoi les salaires peuvent être maintenus à un niveau si bas.
Le Parti dispose d'un certain nombre de leviers lui permettant de contrôler l'exode rural. En effet, c'est lui qui fixe le prix des matières premières. Ainsi, si les prix des produits agricoles sont élevés, les paysans resteront dans leurs campagnes tandis que dans le cas de prix faible, ils partiront vers les villes.
Il est faux de croire que l'économie de marché instaure obligatoirement la démocratie. La Chine en est un parfait contre-exemple. L'économie de marché fonctionne parfaitement dans ce pays dictatorial. On le sait depuis longtemps, la dictature de Pinochet au Chili a été la première a expérimenter le modèle néo-libéral avec l'aide des économistes de la célèbre Ecole de Chicago.
De plus, il est à noter que depuis que la Chine a rejoint l'Organisation Mondial du Commerce, les libertés publiques ont diminué.
En réalité, la sociologie de la Chine fait que le gouvernement se montre très réticent à toute avancée démocratique.
En effet, les paysans ne voteraient sûrement pas pour le Parti communiste. Or, la campagne représente 900 millions de Chinois. C'est d'ailleurs sans doute à cause de cette menace politique que le gouvernement veut faire partir 400 millions de paysans vers les grandes villes.
En fait, la Chine moderne qui se développe, telle qu'on nous la montre à la télé, est limitée aux régions côtières.
A l'intérieur des terres, la Chine reste un pays du tiers monde dont la situation s'aggrave. Ce qui n'a rien de surprenant étant donné que l'économie est fondée sur l'exploitation de la population issue de la campagne, appauvrie volontairement par le gouvernement.
Le régime dépense peu d'énergie dans l'éducation et le niveau scolaire des étudiants, même ceux des grandes écoles, est faible.
De récentes études soulignent la déscolarisation croissante et si on constate malgré tout une augmentation du nombre d'étudiants, beaucoup d'entre eux partent du pays pour ne jamais revenir.
Sources de l'article
Le recensement des mingong
Ces esclaves qui font tourner la Chine (article de Marianne)
Interview de Philippe Cohen et Luc Richard
Compléments de l'article
Les écoles mingong
Me, Myself and I