America America - Elia Kazan - 1963
article de KtuLulu
, publié le 06 juillet 2006 à 21:17
« L’odyssée d’un émigrant vers la Terre Promise, l’Amérique : un film passionné, passionnant, qui nous narre les tribulations à la fin du XIXe siècle d’un jeune grec dans sa quête de liberté, mais aussi l’histoire personnelle de Kazan à travers les illusions perdues de son héros »
(dixit le résumé du coffret 3 DVD consacré au réalisateur).
La longueur affichée du film était la première chose qui m’a freiné dans l’envie de découvrir ce soi-disant « chef-d’oeuvre-selontéléramakiestc4c4 »: 168 mns.
A en croire le synopsis, le film semble sévèrement souffrir d'une totale absence de trolls, elfes, ou autres êtres cosmiques.
Le deuxième frein au visionnage étant le sujet lui-même : la traversée de la Turquie par un adolescent grec... de Turquie. Au 19e siècle. Mouaih, pas emballant tout ça ! Pas un seul Tie-Fighter ??? Scandaleux ! Ils se foutent de la gueule du monde ? Du cinéma, ça ?
Phase 1: pénétration
Autant vous dire que j’ai glissé le DVD dans son lecteur... mais à reculons.
Phase 2: intégration
Grosse surprise à la fin d'America-America... je venais de le regarder d’un trait, sans l'once d'une interruption !
Car ce film est fort, et je dirai même... très fort. America America
Kazan a émaillé son œuvre de paysages splendides et de scènes de rue (et de vie) on ne peut plus crédibles. Sa mise en scène est parfaite pour découvrir l'ambiance d'une époque. Appuyant son propos par une image noir et blanc « limpide », riche, parfois très contrastée, parfois toute lumineuse. La copie du DVD me parut excellente sur mon gigantesque écran de 50 cms. Une caméra souvent « portée » s'ajoute à une interprétation suffisamment convaincante pour s'intéresser à l'histoire. Le sens du détail et la beauté des cadres du réalisateur et de son équipe (le dépouillement pour le village de montagne et la richesse de la haute bourgeoisie de Constantinople) rendent le visionnage totalement immersif.
Astuce: pour vous croire en Turquie, regardez-le de préférence un après midi de canicule devant un doner-frites pour le côté Odorama.
Tel un pilier de rugby devant le danger, je restais bien figé sur mes à-priori et mon goût d'un certain style de cinéma, qui réclame action-réaction dans un montage serré, de préférence sans temps mort... au taquet...
Rien ne me laissait penser que j’allais adhérer à l’univers d’ « America America ». Et pourtant...
NB: Il est important de vous prévenir que les acteurs causent anglais... ça peut paraître évident pour un film américain mais, comme le film se déroule presque intégralement en Turquie et que les acteurs sont super-typés, ça provoque un étrange sentiment... en début du visionnage, en tout cas.
Attention, SPOILERS à gogo - Bouchez vous nes yeux !
Comme il est dit plus haut dans le résumé, il s’agit bien d’un voyage initiatique que Stavros Topouzoglou, le héros, accomplira pour atteindre son « Eldorado » américain. (Vous connaissez son nom... découvrez ses sourcils !)
Bien que le rôle de Stavros soit interprété par un acteur non-professionnel, sa prestation gagne étrangement en maturité à mesure que le métrage avance.
Comble du hasard, son personnage perd justement son innocence adolescente en fonction des évènements malheureux qui jalonnent sa pénible fuite. Et donc, au final, l’acteur colle on ne peut mieux au rôle. A croire que Kazan l’a fait exprès... ahahah, ce qu'on peut être naîf, des fois !
Sur son chemin, Stavros Au-Nom-Imprononçable croisera celui de nombreuses personnes qui le feront évoluer: un voleur un peu trop sympathique, un camarade de dure labeur, un oncle commerçant qui l’introduira dans la classe sociale supérieure...
Stavros est un héros humain, faillible, uniquement mû par son rêve. Une chose est sûre, il n’est pas vertueux. Tout d’abord soumis à l’autorité paternelle qui le pousse à se soumettre à l’autorité Turque, il est ensuite perdu entre ses traditions familiales et la répression dont son peuple est effectivement victime (mais quand même moins que les arméniens).
Il est fortement influençable et ira jusqu’à commettre l’irréparable pour assouvir une vengeance.
Le jeune homme finira pourtant par s’adapter aux situations, il va se métamorphoser, tirant des leçons de ses expériences, bonnes ou mauvaises. Il ne subit plus les évènements, il les transforme en opportunités. Il devient UN HOMME.
Et sa volonté rageuse, ses sacrifices (les choix qu'il doit faire se substituent à ses rêves d’enfant) finiront pas payer son billet pour l’Amérique...
Extrait :
Travaillant d’arrache-pieds pour s'aqcuitter du prix du billet, économisant le moindre sou, même celui de son repas, Stavros est totalement épuisé.
Son camarade de travail lui donne un conseil, à l’heure de la pause déjeuner:
« Il y a la menue monnaie et la grosse... la menue, c’est une prostituée. Elle passe par toutes les mains. Au réveil, elle a fichu le camp. Il te faut de la grosse monnaie... (Stavros tombe de sommeil) Tu iras en Amérique.»
Ne vous laissez pas aveugler par les illustrations de cet article. Le film se passe exclusivement en Terre Turque et non pas sur un bateau. Ce sont là les seules illustrations débusquées.
FIN DES SPOILERS
Quant à l’attitude de Kazan pendant la "Chasse aux Sorcières" de la période MacCarthy, il était plus facile de le mépriser que d’essayer de le comprendre. Il a été conspué, boudé à Hollywood mais heureusement réhabilité par des cinéastes passionnés tel Martin Scorsese et non pas revanchards comme d'autres stars que je ne citerai pas. Cette sale bande de bien-pensants ne le mérite pas.
Dépeignant très bien les faiblesses humaines, pourquoi Kazan en serait-il exempt ?
Etant émigré grec de Turquie, il n’était pas difficile de l'influencer au point de le faire dénoncer ses camarades communistes... par exemple, en faisant pression sur sa famille, en la menaçant d’expulsion.
Ce long métrage est à découvrir... sans retenue... il vous faut juste avoir la volonté de trouver et de mettre la galette dans votre lecteur DVD-divx-mp3 qui a coûté 20 fois moins cher qu'une certaine paire de pompes.
Et si vous avez peur de vraiment vous emmerder, dites vous juste que vous allez découvrir une histoire qui s'est passé il y a fort longtemps, sur une planète très très lointaine.
(dixit le résumé du coffret 3 DVD consacré au réalisateur).
La longueur affichée du film était la première chose qui m’a freiné dans l’envie de découvrir ce soi-disant « chef-d’oeuvre-selontéléramakiestc4c4 »: 168 mns.
A en croire le synopsis, le film semble sévèrement souffrir d'une totale absence de trolls, elfes, ou autres êtres cosmiques.
Le deuxième frein au visionnage étant le sujet lui-même : la traversée de la Turquie par un adolescent grec... de Turquie. Au 19e siècle. Mouaih, pas emballant tout ça ! Pas un seul Tie-Fighter ??? Scandaleux ! Ils se foutent de la gueule du monde ? Du cinéma, ça ?
Phase 1: pénétration
Autant vous dire que j’ai glissé le DVD dans son lecteur... mais à reculons.
Phase 2: intégration
Grosse surprise à la fin d'America-America... je venais de le regarder d’un trait, sans l'once d'une interruption !
Car ce film est fort, et je dirai même... très fort. America America
Kazan a émaillé son œuvre de paysages splendides et de scènes de rue (et de vie) on ne peut plus crédibles. Sa mise en scène est parfaite pour découvrir l'ambiance d'une époque. Appuyant son propos par une image noir et blanc « limpide », riche, parfois très contrastée, parfois toute lumineuse. La copie du DVD me parut excellente sur mon gigantesque écran de 50 cms. Une caméra souvent « portée » s'ajoute à une interprétation suffisamment convaincante pour s'intéresser à l'histoire. Le sens du détail et la beauté des cadres du réalisateur et de son équipe (le dépouillement pour le village de montagne et la richesse de la haute bourgeoisie de Constantinople) rendent le visionnage totalement immersif.
Astuce: pour vous croire en Turquie, regardez-le de préférence un après midi de canicule devant un doner-frites pour le côté Odorama.
Tel un pilier de rugby devant le danger, je restais bien figé sur mes à-priori et mon goût d'un certain style de cinéma, qui réclame action-réaction dans un montage serré, de préférence sans temps mort... au taquet...
Rien ne me laissait penser que j’allais adhérer à l’univers d’ « America America ». Et pourtant...
NB: Il est important de vous prévenir que les acteurs causent anglais... ça peut paraître évident pour un film américain mais, comme le film se déroule presque intégralement en Turquie et que les acteurs sont super-typés, ça provoque un étrange sentiment... en début du visionnage, en tout cas.
Attention, SPOILERS à gogo - Bouchez vous nes yeux !
Comme il est dit plus haut dans le résumé, il s’agit bien d’un voyage initiatique que Stavros Topouzoglou, le héros, accomplira pour atteindre son « Eldorado » américain. (Vous connaissez son nom... découvrez ses sourcils !)
Bien que le rôle de Stavros soit interprété par un acteur non-professionnel, sa prestation gagne étrangement en maturité à mesure que le métrage avance.
Comble du hasard, son personnage perd justement son innocence adolescente en fonction des évènements malheureux qui jalonnent sa pénible fuite. Et donc, au final, l’acteur colle on ne peut mieux au rôle. A croire que Kazan l’a fait exprès... ahahah, ce qu'on peut être naîf, des fois !
Sur son chemin, Stavros Au-Nom-Imprononçable croisera celui de nombreuses personnes qui le feront évoluer: un voleur un peu trop sympathique, un camarade de dure labeur, un oncle commerçant qui l’introduira dans la classe sociale supérieure...
Stavros est un héros humain, faillible, uniquement mû par son rêve. Une chose est sûre, il n’est pas vertueux. Tout d’abord soumis à l’autorité paternelle qui le pousse à se soumettre à l’autorité Turque, il est ensuite perdu entre ses traditions familiales et la répression dont son peuple est effectivement victime (mais quand même moins que les arméniens).
Il est fortement influençable et ira jusqu’à commettre l’irréparable pour assouvir une vengeance.
Le jeune homme finira pourtant par s’adapter aux situations, il va se métamorphoser, tirant des leçons de ses expériences, bonnes ou mauvaises. Il ne subit plus les évènements, il les transforme en opportunités. Il devient UN HOMME.
Et sa volonté rageuse, ses sacrifices (les choix qu'il doit faire se substituent à ses rêves d’enfant) finiront pas payer son billet pour l’Amérique...
Extrait :
Travaillant d’arrache-pieds pour s'aqcuitter du prix du billet, économisant le moindre sou, même celui de son repas, Stavros est totalement épuisé.
Son camarade de travail lui donne un conseil, à l’heure de la pause déjeuner:
« Il y a la menue monnaie et la grosse... la menue, c’est une prostituée. Elle passe par toutes les mains. Au réveil, elle a fichu le camp. Il te faut de la grosse monnaie... (Stavros tombe de sommeil) Tu iras en Amérique.»
Ne vous laissez pas aveugler par les illustrations de cet article. Le film se passe exclusivement en Terre Turque et non pas sur un bateau. Ce sont là les seules illustrations débusquées.
FIN DES SPOILERS
Quant à l’attitude de Kazan pendant la "Chasse aux Sorcières" de la période MacCarthy, il était plus facile de le mépriser que d’essayer de le comprendre. Il a été conspué, boudé à Hollywood mais heureusement réhabilité par des cinéastes passionnés tel Martin Scorsese et non pas revanchards comme d'autres stars que je ne citerai pas. Cette sale bande de bien-pensants ne le mérite pas.
Dépeignant très bien les faiblesses humaines, pourquoi Kazan en serait-il exempt ?
Etant émigré grec de Turquie, il n’était pas difficile de l'influencer au point de le faire dénoncer ses camarades communistes... par exemple, en faisant pression sur sa famille, en la menaçant d’expulsion.
Ce long métrage est à découvrir... sans retenue... il vous faut juste avoir la volonté de trouver et de mettre la galette dans votre lecteur DVD-divx-mp3 qui a coûté 20 fois moins cher qu'une certaine paire de pompes.
Et si vous avez peur de vraiment vous emmerder, dites vous juste que vous allez découvrir une histoire qui s'est passé il y a fort longtemps, sur une planète très très lointaine.
Compléments de l'article
http://images.google.fr/images?svnum=10&hl=fr&lr=&ie=ISO-8859-1&q=america+america+elia+kazan
http://www.imdb.com/title/tt0056825/
article de KtuLulu — publié le 06 juillet 2006 à 21:17
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